Rachel s'avança calmement dans la lueur de la lune, les mains levées . Son visage constellé de tâches de rousseurs ne trahissait aucune émotion particulière, ne serait-ce une légère anxiété, comme n'importe qui à sa place. Un arc pointé sur soi ne doit pas vous mettre en joie. Elle lâcha tout de même un petit sourire et dit :

- Tu peux baisser ton arc s'il te plaît ? J'aimerais éviter de me faire transpercer.

Je fis ce qu'elle me demandait. Je la sentis se détendre et la jeune fille rousse ajouta :

- Je savais que je te trouverais là.
- Comment ? Je croyais que l'esprit de l'oracle n'était plus là.
- Tu sais bien plus de choses sur ce monde pas vrai ? Depuis plusieurs mois, il n'est plus là mais il semblerait que Chiron avait raison. J'ai eu une vision. De cet arbre et de la lumière argentée. Elle venait de toi n'est-ce pas ? J'imagine que oui.

J'esquissai un sourire amusé. Les sentiments d'avant son apparition ont disparu. Elle avait raison, je connais bien cet univers. Un univers où tout cohabite, dieux et mortels, nature et ville, mythes et réalité.
Mais je le connais sans le connaître. Je sais quelques choses, des histoires. Je pensais vraiment pas que c'était réel. Rachel sembla lire dans mes pensées car elle m'interrogea :

- Tu penses qu'on est tous fous et que tu es dans un asile ? Un éclair déchira le ciel et la jeune fille rousse n'y prêta pas attention. Elle s'assit au sol et reprit : je n'y croyais pas non plus au départ. Tu sais, je ne suis même pas une demi-déesse ! Mais grâce à mon don de clairvoyance, j'ai pu devenir oracle. Et... Bref. Les dieux n'accordent pas de quêtes à tout va. Tu dois être quelqu'un de spécial Eira.

- Je n'ai pas demander à l'être ! Tout ce que j'ai demandé pour mon anniversaire l'an dernier, c'est un ordinateur portable, pas un parent divin ! Mon père est censé être mort ! Il n'est pas censé être un dieu immortel !

- Très bien.

Elle se releva en soupirant. Je fus soudain prise de remords en la voyant s'éloigner. Je criai :

- Attends ! Rachel ! Attends !

Je me précipitai derrière elle. Elle se retourna avec un petit sourire vainqueur et je compris que je suis tombée en plein dans son piège. Je secouai la tête et eus un petit rire.

En retournant vers la colonie, elle m'expliqua que je devais faire la quête et que je pouvais m'entourer de deux autres sang-mêlés. J'avais déjà mon idée en tête. Artémis avait choisi Finn et une enfant d'Hécate.

Nous arrivâmes à la Grande Maison où Chiron et Nico étaient toujours là et discutaient tranquillement. Le regard du centaure s'illumina lorsqu'il se posa sur nous. Le fils du dieu des Enfers vint à notre rencontre en lançant à la jeune oracle :

- Au moins tu l'as retrouvé ! Kayla et Will sont rentrés dans le bungalow 7. Hé attends, c'est quoi ces armes Eira ?

Chiron passa un regard inquisiteur au dessus de son épaule. Ses yeux se posèrent rapidement sur l'arc, le carquois et les flèches argentées. Il se pencha vers Nico et lui demanda :

- Les Chasseresses n'avaient rien laissé lors de leur dernière venue ?
- Pas à ma connaissance. Mais on peut toujours aller vérifier dans le bungalow ou l'interroger tout simplement.

Comprenant leur sujet de conversation, je lançai d'une voix forte :

- C'est la marque.
- Comment ? questionna Nico en me jetant un regard.
- Je sais pas... Il y a eu un monstre et puis le rayon de lune... Et enfin Rachel qui m'a trouvé.
- Minute... Un rayon de... commença le fils d'Hadès.
- C'est... C'est impossible ! coupa Chiron en bafouillant. Tu ne... Non... Mais... Pourquoi... Je...

Sur le coup, je ne comprenais pas. Surtout qu'un centaure balbutiant est incroyablement difficile à comprendre. Chiron avança ensuite la main vers l'arc où je remarquai que des symboles étaient gravés sans que je puisse en connaître la signification.
A peine le bout du doigt de Chiron toucha le métal brillant que celui se réduit en poussière. L'incompréhension et la stupeur prirent place dans le regard du centaure.

La marque brilla faiblement, comme épuisée, et s'éteignit. Je fixai surprise le dessin de l'arc et Chiron s'en alla, laissant Nico, Rachel et moi. La jeune fille rousse partit à son tour, perdue dans ses pensées. Je commençai alors à m'inquiéter sérieusement :

- J'aimerais bien comprendre ! Au lieu de partir expliquez-moi ! Je peux savoir ?
- Si on t'explique, on est foutu. Et puis, si on a réellement raison... La guerre est proche, murmura Nico.
- Nico, explique moi, suppliai-je malgré moi. Tu n'aimerais pas savoir à ma place ? Je suis curieuse de nature et tous ces secrets m'intriguent ! m'indignai-je.
- Je ne peux rien te dire. Les dieux écoutent, finit-il en s'éloignant.

PDV ???

J'ouvris brusquement les yeux, le coeur battant. Mes derniers souvenirs, confus et brouillés, me remontaient en mémoire. Autour de moi, tout était silencieux. La Lune et les étoiles me contemplaient avec douceur et bienveillance. Un poids gigantesque bloquait mes jambes très douloureuses. Je sentis alors des mains qui s'affairaient à soulever les lourds morceaux de métal. Je posai une main que j'espérais rassurante sur le bras de la personne qui se tenait à mes côtés. Ses muscles se détendirent et un sanglot arriva à mes oreilles. Sa voix enrouée murmura à mon oreille :

- Ne me fais plus jamais ça...

Ma main trouva la sienne et la serra avec toute la force et l'amour que j'éprouvais à cet instant.